Dreymsólja, un décor pour BASQ

 


En 2099, les îles Féroé sont indépendantes depuis quelques décennies, mais souffrent économiquement d'un blocus européen sur les technologies avancées. Isolée au cœur des zones de pêches dominées par les flottes danoises et écossaises, la petite nation insulaire s'est tournée vers l'intérieur de ses terres venteuses afin d'offrir à sa population déclinante une autonomie alimentaire. Seul le voisin islandais, ayant fait sécession avec l'Europe quelques années auparavant, apporte un certain soutien à Féroé. Et tandis que de grands troubles éclatent en Méditerranée, attisant toutes les violences, Føroyar semble devoir s'estomper des mémoires continentales, laissant une population de quelques dizaines de milliers d'individus vivre dans un isolement pouvant bien devenir une solution durable. 

***

Coucou les ami.e.s! Avant toute chose, parlons de BASQ - pour Bac à sable du quotidien - un concept développé par Manon et Simon Li sur leur site Angeldust-jdr, le lien est ICI. Il va s'agir de vivre une expérience rôliste, sans pour autant aller chasser le dragon, explorer des épaves spatiales infestées de xénomorphes, ou encore arpenter les ruelles sombres d'une mégalopole, la soif de sang au bout des crocs. Ou plutôt, si, vous pouvez inclure tout cela dans votre BASQ, mais là n'est pas le sel associé à cette pratique!

Avec BASQ, nous allons plutôt chercher à vivre des instants ordinaires, à laisser nos personnages évoluer à leur rythme, selon leurs propres envies, sans que des rebondissements orchestrés de main de maître ne viennent les plonger dans des intrigues tarabiscotées. Ici, point de volonté ricanant derrière son écran, mais une personne éclairée, disponible pour les envies des participant.e.s, à l'écoute de leurs besoins, et se chargeant de faire vivre l'ensemble des pnjs qui auront des existences bien à eux, plutôt que de se résumer à des fonctions utiles à l'aventure. J'avais écrit un article, jadis, sur le mind mapping, et l'idée de Manon et Simon Li s'en rapproche : Créer un décor vivant, sans que les personnages n'en soient le cœur, et laissant à ces derniers toute latitude afin de trouver leur place. Tout cela n'empêche en rien les opportunités de vivre de passionnantes aventures, mais de celles du quotidien, nous apportant de petits pics d'adrénaline, tout en nous paraissant rassurantes, sans enjeux planétaires. J'imagine que vous avez pigé ce qu'était BASQ! 

***

Ainsi donc, l'idée de combiner un décor solarpunk à BASQ semble assez évidente. Je vais ainsi lancer quelques idées autour du concept de la communauté insulaire de Dreymsólja - Coquelicot en féroïen - dont la trentaine d'habitants permanents cherche à préserver les traditions de pêche, tout en s'accrochant aux falaises venteuses de Suðuroy, l'île australe de l'archipel, jadis connue pour sa station baleinière de Lopra, désormais abandonnée, comme les autres villages. Dreymsólja reste donc la seule communauté humaine sur l'île, et son dernier ravitaillement par le Løgting, le gouvernement en place dans la capitale de Tórshavn, remonte à plusieurs semaines. Des inquiétudes à ce sujet traversent la communauté, mais des voix murmurent également que cela serait une opportunité pour s'affranchir de ce lien avec un gouvernement lointain, ne pouvant répondre aux besoins de toutes les communautés. L'autre sujet d'inquiétude est la présence en mer de nombreux navires européens, pénétrant en toute impunité dans les eaux territoriales de Føroyar. Bien que la communauté estime ne rien posséder d'importance pour ces pêcheurs, les infrastructures encore en place du port de Lopra, à quelques lieues de Dreymsólja, pourraient susciter bien des convoitises. 

***

Des moteurs pour la communauté

Brialdur Ziska a été nommé par ses pairs afin de représenter la communauté et servir de médiateur. Tout le monde à une voix égale à celle des autres au sein de Dreymsólja, mais il est habituel de chercher l'avis de Brialdur pour les questions logistiques, même les plus anodines. Âgé de 62 ans, comme beaucoup ancien pêcheur, sa nature affable et son sérieux autour des questions techniques en font l'ami de toutes et tous. Seul célibataire dans la communauté, Brialdur s'est découvert des dons de gestionnaire mais aux vues des grands changements devant se produire à cause de l'isolement, il préfèrera nettement reprendre la mer.

Týra Johansen est l'autre personnalité notable, vers laquelle tout le monde se tourne naturellement. Institutrice de la seule école de l'île, elle continue à prendre soin des enfants en cherchant à maintenir une certaine normalité au sein de la communauté. Avec son mari Jón, elle sillonne les reliefs escarpés avec l'un des derniers range rover fonctionnant encore, à la recherche des familles dont elle a dressé une liste, ignorant si elles ont quitté le rocher, ou se trouvent isolées en milieu hostile. Pour le moment, les Johansen ont du mal à se fixer à Dreymsólja, et reviennent régulièrement vers la communauté en annonciateurs de mauvaises nouvelles. Ce sont probablement eux qui inciteront le plus nos protagonistes à aider à leur tour, en allant explorer l'île. Il suffira alors d'indiquer tous les dangers inhérents à une telle entreprise, précisant que les Johansen sont des trekkeurs confirmés. 

***

Oui mais alors que faire?

Comme le but de Solarpunk 2099 est de valoriser certaines thématiques, les principales occupations au sein d'une communauté en train de se former à cette époque, et ne bénéficiant plus d'un accès facile aux technologies avancées, seront de récupérer tout ce qui peut l'être dans les différentes structures abandonnées par le gouvernement. Le retour hypothétique de ce dernier devrait limiter ce pillage modéré, mais avec un climat compliqué, il en va de la survie du groupe.

De longues escapades dans les étendues de Føroyar permettront de faire connaissance, ou de développer des talents insoupçonnés, permettant de caractériser les personnages au fil de l'histoire. Même si les communautés abandonnées ne seront pas peuplées de zombis affamés, leur exploration sera cependant pleine de tensions. Il ne faut pas oublier que les pêcheurs européens peuvent très bien toucher terre avec la même idée d'un pillage rapide et discret des ressources locales. Quels seront les réactions durant de telles rencontres?

Peut-être que les personnages ont déjà une spécialité utile à la communauté. Après tout, l'isolement de l'archipel ne date pas d'hier. Dans ce cas, ils et elles seraient régulièrement sollicités, pouvant même être considérés comme des personnalités vers lesquelles se tourneront les autres. Comment les participant.e.s parviendront-ils à gérer ce type de responsabilité?

Et avec un avenir plus qu'incertain, il faut essentiellement parer au plus urgent. Nous partons ici du principe que les technologies avancées ne sont plus disponibles, cela pourra inclure un réseau global de type internet. Sans cette source de savoir globale, difficile d'envisager la moindre réparation par des individus non-qualifiés. Dans ces conditions, comment s'adapteront les personnages?

A terme, l'idée de développer une communauté imaginaire pourrait avoir une portée pédagogique, devenir un exercice intéressant, avec par exemple une thématique low-tech abordée dans chaque épisode. Cela demandera du travail bien entendu, mais imaginez un atelier jeu de rôle employé pour ce genre d'initiative, cela sera parlant pour beaucoup de public, non?

Je vous propose d'ailleurs un lien, vers la chaîne Low tech Lab, pour vous faire une idée de ce qu'il est possible d'envisager, même sans aller à fond dans le sujet. Je vous mets également celle d'Echo des cimes, pour passer en mode bushcraft!

Si ce genre d'idée vous intéresse, faite le moi savoir, j'approfondirai volontiers les différents décors de jeu pour Solarpunk 2099!  

***


Phylornel, après la Chute [D&D]

Je vous présente ici un cadre que vous déciderez ou pas de classer dans le genre Solarpunk, il s'agit d'une époque tragique se situant dans l'univers des Royaumes oubliés, en des temps légendaires, juste avant la Chute, en -339cv, marquant la fin brutale de la puissante magiocratie du Netheril. 
Durant des siècles, les mages de cet empire puisèrent sans considération dans la Toile, transformant leur environnement en un désert, créant par là même leur propre ennemi, menacé d'extinction par ces abus incessants. C'est finalement un élément propre à leur culture qui sonnera le glas de cette civilisation. 
La Folie de Karsus aura amenée la ruine sur le puissant empire du Netheril, faisant tomber du ciel les grandes cités à travers toute la région. C'est la fin d'un âge de haute magie, durant lequel furent réalisés de grands prodiges, par des esprits sans égal. La Chute amène également la réécriture des lois divines concernant la Toile, soutenant toute magie imprégnant Abeir-Toril. Désormais, les mortels ne pourront plus librement puiser dans cette énergie.

֍֍֍֍֍

Nous retrouvons donc une situation propice à un cadre solarpunk, dans lequel la ressource vitale - ici la magie - est une denrée soudainement inaccessible, et que les rares rescapés du désastre vont tenter à tout prix de s'approprier afin de préserver ce qu'il reste de leur culture. D'autres, à l'opposé, vont réaliser qu'il leur faut désormais s'adapter à leur nouveau monde, que les cieux leurs sont fermés, et qu'après la Folie de Karsus, les divinités elles-mêmes ne daigneront plus les aider. 

Plaçons donc le décor dans les ruines de la cité volante de Phylornel, l'une des rares à avoir pu descendre suffisamment proche du sol afin de limiter les pertes parmi sa population. L'île elle-même est brisée en énormes monceaux de rocaille, non loin de la rivière Netheril. Un peu moins de deux cents individus sont encore vivants, se regroupant autour des quelques gardes de la cité ayant eu la présence d'esprit de collecter des vivres et des produits de première nécessité. Il faut savoir que dans l'ancienne culture netheril, tous les individus étaient en mesure de puiser dans la Toile, grâce à de simples cantras, les ancêtres des tours mineurs. Toutes les tâches du quotidien étaient ainsi accomplies par le biais de la magie, ce qui rends les habitants du Netheril particulièrement dépendant, et désormais incapables de survivre à la surface d'un monde hostile pour eux. L'on suppose également que l'archimage ayant régné sur la cité durant plusieurs siècles, sous la forme d'une liche, aurait survécu au crash. Rien n'est moins sûrs, mais cette menace est utilisable pour la suite. 


֍֍֍֍֍

Voici donc la situation; Les rescapés de Phylornel, jusqu'alors maîtres des cieux, n'ont plus aucun pouvoir magique à leur disposition. La multitude d'objets enchantés encore accessible n'est plus qu'un amas de breloques, car les enchantements netheril dépendaient de matrices, auxquelles ils étaient connectés. Seuls quelques individus, ayant l'habitude d'arpenter la surface, sont désormais en mesure de survivre dans les conditions difficiles d'une terre dévastée par l'ancienne magie. Sans grande surprise, ce seront ces individus qui chercheront à prendre le pouvoir sur le groupe, n'hésitant pas à se débarrasser de celles et ceux refusant, ou ne pouvant pas, suivre leurs directives. Peu de communautés netheril seront en mesure de transmettre leur héritage, tant car ce dernier était essentiellement tributaire d'une forme de magie désormais interdite par la nouvelle déesse de la magie, Mystra, que par le fait que les mages du Netheril avaient fondé une société individualiste, basée sur la puissance personnelle. Il est très probable que les rescapés de Phylornel tenteront de retrouver d'autres survivants, et finiront par adopter des coutumes nomades. Pourquoi cela? Simplement car le continent de Féerune à une superficie quatre fois supérieure à celle du continent nord-américain, que les mages ont transformé leur terre en un désert se développant sur une gigantesque surface, et deviendra bientôt l'Anauroch. Et surtout, les netherils sont désormais cernés d'ennemis.

Outre les bandes d'orques maraudant aux bords du désert, les Phaerimm sont toujours là. Créatures se nourrissant de magie, persécutées par les netherils, la nouvelle donne sera en leur faveur, et le désir de vengeance sera grand. N'oublions pas la liche Phylornel, ayant régnée durant des siècles, peut-être toujours animée par sa soif de pouvoir, et qui pourrait bien traquer ses anciens sujets, afin de les asservir, ou se nourrir d'eux. Enfin, les hypothétiques autres rescapés pourraient tout à fait devenir autant de menaces, en des temps où l'autorité des archimages n'existe plus.

֍֍֍֍֍

Dans cette configuration, il peut être amusant de constater que les dominateurs d'hier sont désormais les punk de cette nouvelle ère. Ce sont eux en effet qui se retrouvent à la marge, cherchant pour la plupart à retrouver un prestige qui ne reviendra que bien plus tard, et sous une forme différente. J'ignore si vous percevrez cette trame comme un canevas solarpunk, mais c'est en tout cas l'une des premières idées m'étant venue en pensant à ce type de contexte. Ici, le monde naturel tente de reprendre le pas sur la maltraitance infligée par le Netheril. 
Si l'idée vous plaît, n'hésitez pas à me le faire savoir, afin que je puisse développer une aventure en rapport, ou au moins un décors plus élaboré.  

Solarpunk, c'est quoi?


Le genre, dérivé du Cyberpunk et de ses dérivés, propose un avenir se voulant positif pour l'Humanité, et refuse la continuité sociétale actuelle, a contrario du cyberpunk qui n'est finalement qu'une extension de notre monde, extrayant de lui ce que l'on nous montre comme le pire, pour en faire une nouvelle norme - les villes de Bladerunner... Pas très riantes, en effet - dans un monde solarpunk, la disruption avec ce modèle est importante; De petites communautés humaines abandonnent le modèle actuel, se tournent vers une écologie pragmatique et le low-tech. La préservation des ressources naturelles est ici la priorité, ce qui dans la plupart des cas, implique de ne pas s'appuyer sur les technologies modernes ou a venir. Bye bye le transhumanisme, les voitures ou les traders. Il existe toutefois un mouvement, le technogaïanisme, prônant un monde vert via la modification artificielle de l'humain, mais ce n'est pas à proprement parler du solarpunk.

Le solarpunk se détourne donc d'un monde capitaliste et libéral, pour revenir aux sources de la sédentarisation, prenant en compte les changements climatiques, la justice sociale et la sobriété. Le mouvement est jeune, né aux environs de 2010, avec de nombreux artistes agglomérés dans un melting-pot encore un peu foutraque et bien entendu, moins structuré que le cyberpunk, son papa dégénéré et tout tordu. Il n'en reste pas moins que de grandes tendances émergent déjà, puisant dans la pop culture - so capitaliste! - principalement les œuvres de Hayao Miyazaki et Isao Takahata, ou l'intégration du mouvement survivaliste globale et son usage des low tech. 

Le monde solarpunk se recentre sur la place de l'humain au sein d'une nature qu'il lui faut régénérer, tout en acceptant de perdre le "confort" du monde technologique. Cela n'est pas encore souvent abordé - ce sera d'ailleurs le thème de ce blog - mais les changements de paradigmes ne sont pas souvent expliqués, faisant du solarpunk une uchronie bien moins réaliste que le cyberpunk. Et en même temps, il semble toujours plus aisé d'aller vers le négatif que vers un modèle impliquant le renoncement à ce doux cocon capitaliste, des efforts démesurés pour rendre la planète great again, et s'habituer à des existences plus rudes. 

Je ne vais pas qualifier le solarpunk d'utopie, car j'imagine que pour les néo-libéraux parmi vous, ce genre de projection futuristique doit être le plus effroyable des cauchemars, mais le mouvement pourrai prendre de l'ampleur, amener des réflexions pertinentes sur une transition cohérente, que nous sommes nombreux et nombreuses à envisager, même sans mettre un nom aussi exotique que solarpunk dessus. Le capitalisme a de beaux jours devant lui, cela au prix de la dégradation de l'être humain dans tous ses aspects, mais cette bonne vieille sobriété est envisagée par de plus en plus d'individus, comme une alternative à la frénésie consumériste et la pollution de l'esprit, comme de l'âme. Nous vivons actuellement une crise mondiale, et ressentons plus vivement le gouffre séparant le 1% des ultra-riches du reste de l'Humanité. Pour la plupart, car on nous impose ce comportement, nous refusons de penser à l'avenir, en nous persuadant que cet enfer capitaliste va perdurer éternellement. La vision cyberpunk est alors le futur le plus probable, avec ses mégacorporations, ses métropoles tentaculaires et sa technologie se greffant à la chair. Mais en effet, tant qu'à faire, pourquoi ne pas imaginer une prise de conscience collective et un basculement vers une pensée écologique? Un doux rêve, probablement, pour lequel il faudra se battre et s'opposer aux tenants du monde actuel, qui réagira comme à son habitude face aux modifications de ses paradigmes, par la plus extrême violence. 

A mes yeux, c'est cela le solarpunk; Un moment de transition, appelant à une lutte pouvant ne pas être physique - mais l'on sait comment réagissent les puissants face au changement - et tendant vers une sobriété, l'espoir d'un futur humain apaisé, et un retour à la nature. 

Dans ce blog, je vais donc partager avec vous des idées pour effectuer ce genre de transition dans différents jeux de rôles. N'hésitez pas à me laisser des commentaires si vous voulez échanger, c'est toujours plus agréable et pertinent de travailler à plusieurs sur ce genre de projet!